Les grands enjeux de santé en 2025 : préparer les organisations à relever les défis de demain

8 janvier 2025 · 2 minutes de lecture

Adeline Jenner – Fabienne Bousrez – Stanislas Johanet

Anticiper et coopérer pour mieux soigner


L’année 2025 représente un tournant stratégique pour le système de santé. Face à des mutations profondes – tensions humaines, défis numériques, inégalités territoriales, contrainte financière qui n’a pas miraculeusement disparu, au contraire – les organisations de santé doivent se réinventer pour offrir des soins de qualité tout en répondant aux aspirations des professionnels. Cet article explore ces grands enjeux et propose des pistes concrètes aux décideurs hospitaliers pour hiérarchiser les projets.

1. Une pression croissante sur les ressources humaines et la gestion des lits

Ce que certains ont considéré comme une crise des vocations dans les métiers de la santé relèverait plutôt, au regard des derniers chiffres de Parcoursup, d’un nouveau rapport au travail. Ceci impose de repenser l’organisation du travail, l’attractivité des carrières et l’organisation du management y compris médical. En parallèle, la gestion des lits devient un défi central, du fait d’une augmentation continue des flux d’urgence aboutissant à une saturation des capacités d’accueil.

En Bretagne, une évaluation menée pour l’ARS a révélé l’importance d’une gestion optimisée des lits basée sur une gouvernance territoriale, des indicateurs partagés entre établissements, des outils de planification, et une coordination territoriale renforcée. Les conclusions de cette démarche indiquent qu’une approche proactive, soutenue par l’ARS, intégrant les contraintes RH et les besoins opérationnels, est indispensable pour fluidifier les parcours de soins tout en limitant l’épuisement des équipes​.

2. La transition numérique : un moteur de transformation et de coopération

Les outils numériques promettent des avancées certaines, mais leur adoption reste inégale. Les technologies comme l’intelligence artificielle et les dossiers médicaux partagés offrent des opportunités à saisir pour fluidifier les soins et améliorer leur qualité, à condition d’être priorisées et intégrées de manière adaptée pour pouvoir être mieux partagés.

Des initiatives comme le programme NHS Digital Academy au Royaume-Uni illustrent comment accompagner les professionnels dans l’adoption de ces outils grâce à des formations ciblées et des projets concrets. Ces expériences montrent qu’une montée en compétence des équipes, doublée d’un soutien organisationnel, est essentielle pour transformer les pratiques et tirer le meilleur parti des investissements technologiques au bénéfice des équipes et des patients.

3. Adaptabilité face aux crises sanitaires et climatiques

Les crises récentes, qu’elles soient sanitaires ou climatiques, ont souligné l’urgence d’une meilleure anticipation et d’une préparation rigoureuse. En France, la pandémie de COVID-19 a révélé des failles dans l’organisation des plans d’urgence, mais aussi impulsé des dynamiques et des initiatives qui devraient être prometteuses. Les dispositifs tels que les plans ORSAN au niveau territorial et les plans blancs ou bleus des établissements nécessitent non seulement une actualisation régulière mais aussi des simulations fréquentes pour tester leur robustesse.

Parmi les exemples inspirants, certains territoires ont su mettre en œuvre des solutions novatrices. Sur plusieurs territoires, les hôpitaux de référence ont renforcé leurs dispositifs de coordination avec les acteurs locaux, en s’appuyant sur des partenariats avec des établissements de santé de proximité et les services d’urgence. Ces coopérations permettent une meilleure gestion des flux de patients en situation de crise, comme les vagues de chaleur ou les épisodes épidémiques.

Les professionnels ambulatoires sont désormais tout aussi concernés et certaines ARS ont déjà élaboré des guides méthodologiques pour aider les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) à préparer des plans de gestion de crise sanitaire. Ces guides fournissent des outils et des recommandations pour structurer la réponse des professionnels de santé en cas de situation sanitaire exceptionnelle.

Au niveau européen, les mécanismes de solidarité inter-pays tels que le programme RescEU de l’Union Européenne offrent également des perspectives intéressantes. Ce programme a permis à plusieurs régions françaises de bénéficier d’équipements et de soutiens logistiques lors de situations critiques, renforçant ainsi la résilience collective face aux défis transfrontaliers.

Ces exemples montrent que la résilience passe par une anticipation accrue, une organisation territoriale renforcée, et une mobilisation collective des acteurs locaux et régionaux. Les crises futures – qu’elles soient climatiques ou sanitaires – ne pourront être surmontées qu’en misant sur une coopération interdisciplinaire et intersectorielle.

4. Réduire les inégalités territoriales : une attractivité repensée

La désertification médicale reste un défi de taille. De plus en plus de professionnels de santé aspirent désormais à des carrières offrant des évolutions transversales, et non plus uniquement axées sur une progression hiérarchique. Ceci doit conduire les décideurs à faire évoluer leurs représentations et leur niveau d’acceptabilité de ces attentes. Les territoires offrant des modes d’exercice variés seront en effet mieux armés pour satisfaire ces nouveaux projets de carrière.

Proposer un éventail de solutions – salariat, libéral, mixité des statuts – constitue un levier nouveau d’attractivité. Ces dispositifs doivent s’accompagner d’une coordination renforcée des politiques publiques locales. En créant des passerelles entre les secteurs public, privé, et médico-social, un territoire peut devenir un véritable catalyseur pour des carrières multisectorielles. Il pourra ainsi mieux répondre aux attentes des jeunes professionnels et garantir une offre de soins adaptée à la population.

5. Repenser les capacités hospitalières, encore et toujours ?

Notre système hospitalier va devoir durablement faire plus (ne serait-ce qu’à cause du vieillissement de la population) avec moins (l’ONDAM couvrant de moins en moins l’intégralité de la hausse des dépenses). Si les crédits Ségur incitant aux projets de restructuration ont pu encourager de nouvelles réflexions capacitaires, ils ont aussi parfois été déployés dans une certaine urgence, et toujours avec des exigences de financements propres de la part des établissements. Ceci implique de nouveaux efforts de performance.

Ainsi, à l’issue de cette période et compte tenu de la situation économique de notre pays et de la pression budgétaire, chacun – et notamment les hôpitaux – va devoir apprendre à faire avec moins.

Le sujet de l’optimisation des capacités d’accueil (lits et places), « cœur du réacteur hospitalier » car cause et conséquences de toutes les déperditions d’énergie, de qualité et de ressources, n’a donc jamais été aussi central. D’importants gisements d’efficience restent à valoriser tout en améliorant à la fois la qualité des soins et les conditions de travail des soignants.

L’un des exemples les plus remarquables est celui d’une réflexion à conduire pour redéployer les lits de chirurgie et de spécialités afin d’augmenter les capacités en médecine post-urgence permettant ainsi d’éradiquer les « hébergements » de patient inadaptés à leur état.

6. Des réseaux territoriaux rationalisés et structurés

Les coopérations territoriales en santé, formalisées par des projets ou par des outils juridiques, se montreront de plus en plus incontournables pour mieux coordonner les stratégies territoriales et optimiser l’allocation des ressources publiques. Plébiscitées dans un objectif de fluidification des parcours depuis plusieurs années, elles se heurtent dans les faits à des pratiques individuelles et à une complexité de mise en œuvre. Pour autant, dans un contexte de ressources limitées et de complexité croissante des besoins et de l’offre, elles permettent d’affronter des enjeux prioritaires tels que le cancer, l’autonomie des personnes âgées et en situation de handicap, ou encore la prise en charge de la précarité.

Dans la sphère sanitaire, les Projets médico-soignants de 2ème génération des Groupements hospitaliers de territoires (GHT)viennent d’être formalisés et doivent désormais être déployés en évitant l’essoufflement et la désillusion des équipes mobilisées. Les enjeux de pilotage voire de médiation de projets, sont centraux pour dépasser les cloisonnements parfois encore dominants.

Dans un registre plus large, l’ARS Corse a lancé des initiatives de convergence stratégique entre les nombreux acteurs de la prise en charge sanitaire, sociale et médico-sociale de la précarité. L’objectif est de simplifier les parcours pour les usagers et de garantir un usage efficient des moyens, tout en sécurisant une offre parfois fragile. Ce type de coopération favorise la création de véritables parcours « santé-social » pour accompagner les personnes en grande précarité dans des transitions fluides entre les structures. Enfin, il offre aux acteurs locaux une meilleure représentativité, malgré la complexité croissante des organisations sanitaires, comme les GHT ou les CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé). Ces collaborations deviennent ainsi des leviers essentiels pour conjuguer qualité des soins, efficience et inclusion.

Prioriser les projets : quelles clés pour une méthode pragmatique et inclusive ?

Pour transformer ces défis en opportunités, les projets stratégiques sont de précieuses boussoles. Qu’il s’agisse des projets régionaux de santé, des projets médico-soignants ou des projets d’établissement, ils doivent cependant être priorisés chaque année et cette démarche passe par plusieurs étapes :

  1. Faire des bilans intermédiaires : évaluer régulièrement les projets en cours pour identifier les réussites, les freins, et les ajustements nécessaires, mais aussi communiquer de manière ciblée pour en tirer tous les enseignements.
  2. Hiérarchiser les priorités y compris médicales : organiser des séminaires collaboratifs impliquant les équipes de direction, soignantes et administratives, pour fixer des objectifs clairs et partager les responsabilités.
  3. Structurer le pilotage : définir des organisations adaptées avec des outils de suivi performants, pour garantir une mise en œuvre efficace et durable.
  4. Anticiper les difficultés, évaluer et clôturer les projets : faire une cartographie et évaluer régulièrement les avancements pour savoir ce qui reste à accomplir. Envisager, pour anticiper les situations de blocage, la médiation de projet.

Ces approches permettent non seulement d’assurer une cohérence stratégique, mais aussi de renforcer l’adhésion des équipes, clé d’un déploiement réussi.

Conclusion : 2025, une opportunité de transformation


Les défis de 2025 appellent les acteurs de la santé à réinventer leur manière de travailler, en misant sur l’innovation, la résilience, et l’équité territoriale. En hiérarchisant les priorités et en s’appuyant sur des méthodologies participatives, ils peuvent transformer les contraintes actuelles en leviers d’amélioration durable. C’est cette capacité d’anticipation et de mobilisation collective qui garantira l’avenir de notre système de santé.

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